Gehenu Lamai (The Girls) : des personnages féminins complexe,une histoire d’amour qui se contredit.
- Adèle Rivenet
- 20 mai
- 3 min de lecture
Gehenu Lamai (The Girls) : des personnages féminins complexe,
une histoire d’amour qui se contredit.

SEQUENCE 1 - INT. JOUR. - CAFE
Alice est assise sur le canapé orange. Michael rentre par la porte d'entrée, située derrière, à droite du canapé.
ALICE
Alors, ce film ?
MICHAEL
Je ne sais pas trop. Je l'ai trouvé très riche en termes de mise en scène et de travail de l'image, mais je suis perplexe vis-à-vis de l'histoire.
ALICE
Mince. Tu attendais beaucoup de cette séance. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on va voir le premier film du Sri Lanka réalisé par une femme. Comment s'appelle la réalisatrice déjà ?
MICHAEL
Sumitra Peries. Elle était même surnommée la « poétesse du cinéma cinghalais ».
ALICE
Pourquoi l'histoire t'a laissé perplexe ?
MICHAEL
Elle se contredit ! Dans la première partie, le personnage principal, Kusum, refuse les avances de son ami Nimal. Tout semble indiquer qu’elle n’est pas intéressée. Cela passe d’abord par le jeu d’actrice : Kusum paraît totalement indifférente à la présence du jeune homme, et semble plutôt embêtée face à ses avances. La mise en scène va également dans ce sens, comme nous montre la séquence où Nimal fait sa déclaration. Les deux jeunes sont à la fenêtre et le meneau central les sépare. À chaque fois que Nimal le franchit pour rejoindre le cadre de Kusum, celle-ci le contourne pour s’insérer au sein du cadre laissé vacant, redoublant d’effort pour garder une séparation entre lui et elle. Et puis, il y a aussi tous les plans où des branches et des feuilles viennent obstruer le cadre. De manière un peu clichée, la séclusion de la nature permet normalement aux amants de vivre leur amour. Or même dans un cadre naturel isolé des jugements de la société, Kusum reste fermée face aux avances de Nimal. Et là, vers le milieu du film, elle devient tout d’un coup amoureuse de son ami. Elle continue de rejeter ses avances car ils sont de deux classes sociales différentes, mais cela ne l’empêche pas de rêver à leur mariage, de penser constamment à lui…
ALICE
C’est vrai que c’est un peu radical comme retournement de situation.
MICHAEL
Ouais.
ALICE
Je ne m’attendais pas à une histoire d’amour, surtout entre un homme et une femme. Vu le titre « The Girls », je pensais que ce serait plus centré sur un groupe de personnages féminins.
MICHAEL
L’histoire d’amour sert de fil narratif. Mais beaucoup de problématiques concernant la condition de la femme au Sri Lanka se tissent autour. Au fond, Nimal n’a pas d’autre fonction que de servir l’intrigue amoureuse. À l’inverse, Kusum et de sa sœur Soma sont travaillées pour mettre en valeur la complexité de leurs caractères et de leurs conditions.
ALICE
Ça change de la plupart des films : d’habitude c’est l’inverse.
MICHAEL
Oui, ça fait du bien ! Le film est très riche dans son traitement de ces deux personnages féminins. Attends, je te montre un exemple.
Michael prend la main d’Alice. Ils disparaissent.
SÉQUENCE 2 – INT. JOUR. – SALLE BUÑUEL – SAMEDI 17 À 16H30
Sur l’écran de projection, Kusum coud des rideaux à l’aide d’une machine à coudre. Un travelling arrière est effectué à plusieurs reprises, laissant apparaître dans l’image l’encadrure de la porte de la pièce.
MICHAEL
C’est Kusum, la grande sœur. Elle est en train de coudre des rideaux pour la famille de Nimal. Kusum est présentée comme l’aînée raisonnable, à l’inverse de sa sœur qui profite de sa beauté et de sa jeunesse pour passer du temps avec des garçons. Kusum est constamment encensée pour son comportement, mais avant même l’apparition de Nimal, la mise en scène indique que Kusum n’est pas tout à fait satisfaite de sa condition.
ALICE
Ce travelling la ramène sans cesse dans cette encadrure de porte. Ça ressemble un peu à un portrait n’est-ce pas ? Un portrait qui représenterait un idéal féminin, une femme raisonnable et à l’écoute qui fait abstraction de ses envies personnelles pour exécuter ce qu’on attend d’elle.
MICHAEL
Oui, et le film insiste sur le fait que cet idéal d’une femme sans envies ni désirs autre que de servir les autres n’est pas réel. Cette perfection n’est qu’une façade érigée pour plaire, destinée au regard, capturée dans l’encadrure de la porte comme un portrait.
ALICE
Donc, nonobstant l’intrigue amoureuse un peu bancale, il était pas si mal ce film ?
MICHAEL
Oui, c’est un film qui offre un nouveau regard riche et précis sur la condition féminine, mais qui fut un peu gâché par son intrigue amoureuse contradictoire.
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