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La Paga - Analyse d’une oppression

Dernière mise à jour : il y a 6 jours

La Paga - Analyse d’une oppression




Comme l’explique le fils du réalisateur, la projection cannoise de La Paga est presque une première mondiale. En effet, le premier film de Ciro Duran portant un fort message politique a été censuré par le gouvernement Vénézuélien. Il n'a donc été projeté qu'à une seule occasion et fut graduellement oublié. Jusqu’à devenir totalement introuvable et être considéré comme une des nombreuses œuvres perdues du cinéma. Retrouvé et restauré sous l’impulsion des nombreux enfants du réalisateur décédé en 2022, le film s’affiche maintenant dans une magnifique restauration dont les rares défauts permettent de se souvenir du travail fait par l’équipe de restauration et la famille du cinéaste.


Dès le premier plan, le film affiche son message politique grâce à un magnifique clair-obscur. Un paysan se tient debout, totalement dans l’ombre, devant le ciel. La personnalité du travailleur est ainsi supprimée, il ne peut être identifié que par ses accessoires le reliant à son activité. Cette idée sert de base au film. En effet, nous suivons un paysan travaillant dans une exploitation tentant de se procurer des médicaments pour sa fille gravement malade. Le film nous montre comment le système capitaliste absorbe le prolétariat, et comment les différentes oppressions ne laissent aucune solutions aux personnes discriminés pour s’en sortir. Ce discours arrive à aboutissement à la fin du long métrage, où l’on passe du premier degré présent pendant tout le film à un montage ironique, montrant à la fois le discours d’un politiciens promettant de régler tous les problèmes de la population ( qui ne comprend que les exploitants ) et l’ardeur du travail des opprimés. Le film dénonce aussi comment la violence se transmet d’une domination à l’autre, comment elle passe de l’homme opprimé à sa femme. D’abord sociale et ethnique à l’extérieur, elle devient sexiste à l’intérieur du foyer, quand l’homme se venge des injustices de sa vie sur sa femme.


Autant par sa mise en scène que par son message le film est très influencé par le cinéma soviétique appellant à la révolte du peuple contre ses oppresseurs. Le premier long-métrage de Ciro Duran peut être vu comme le cousin contemplatif du segment paysan de Soy Cuba. En effet, loin du rythme de montage et de la mise en scène effréné de l'oeuvre de Mikhaïl Kalatozov, cette restauration impose un tempo plutôt lent, où les mouvements de caméra servent surtout à suivre les travailleurs dans leurs tâches. Le spectateur est ainsi plongé dans le pénibilité du labeur des paysans, en expérimentant avec eux sa longueur et sa répétitivité. Le réalisateur utilise le champ, lieu de travail du personnage principal, afin de composer ses plans. Il joue avec les lignes de fuite pour mettre en avant le caractère gargantuesque du travail paysan.


Ainsi ce film, manifeste d’un nouveau cinéma révolté, en mettant sa mise en scène au service de son message politique arrive à rester d’actualité plus de 60 ans après sa création.

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