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La ruée vers l’or - Centenaire d’un monument

Dernière mise à jour : il y a 6 jours



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Le film débute sur un intertitre frappant : “A dramatic comedy”. Un choix qui pourrait surprendre ceux dont la connaissance de l'œuvre de Charles Chaplin reste superficielle : les films du cinéaste sont dans un premier temps directement associés à la comédie. Célèbre roi du slapstick – aux côtés des Buster Keaton, Harold Lloyd, Laurel et Hardy –, maître d’un humour burlesque où le personnage de Charlot enchaîne gifles et chutes, avec une résilience quasi surhumaine.

Et pourtant, plus on se penche sur la filmographie du cinéaste, et plus on tend à remarquer la présence d’une profonde mélancolie, voire même une certaine noirceur. Dans ces onze longs-métrages, Chaplin traverse différentes époques et bouleversements politiques : de son Monsieur Verdoux, devenu un Barbe-Bleue moderne à la suite de la crise de 1929 ; à la satire du maccarthysme dans Un roi à New York, en n’oubliant pas sa célèbre caricature d’Adolf Hitler dans Le Dictateur. Il y a indéniablement une importante dimension politique dans les œuvres du cinéaste, où les gags à répétition de Charlot ne deviennent finalement qu’une intense tragédie : il n’est que le reflet des conséquences causées par les conflits sociopolitiques de son époque. Le rire atténue en partie la gravité du propos, mais réciproquement, il suscite aussi chez le spectateur une grande forme de culpabilité.

Nous retrouvons tous ces motifs dans La ruée vers l’or, pré-ouverture du festival de Cannes, dans sa restauration 4K en hommage au centenaire du film. L’intrigue se déroule bien avant 1925 : nous retrouvons le célèbre Charlot – dans ce qui n’est que le second long-métrage du personnage, et le troisième du cinéaste – à la fin du XIXᵉ siècle, partant à la recherche d’or dans les montagnes enneigées du Canada. Le public cannois, cent ans après ceux de la première projection en salle, continue de rire aux multiples gags, dont l’ingéniosité visuelle continue encore aujourd’hui de nous impressionner. Des blagues qui résonnent ainsi avec leur époque : on rit des conditions de vie misérables des chercheurs d’or, de la faim qui pousse les personnages à la folie, ou encore de la solitude du vagabond au soir du Nouvel an. 

Symbiose des genres cinématographiques, au-delà de la comédie et du drame : un ours et une hallucination d’un poulet qui plonge le film dans l’horreur ; la fin du film qui nous imprègne d’une tension digne des plus grands films d’action – Chaplin et son homologue Keaton n’auraient-ils pas influencé certaines cascades des Mission Impossible, dont celle du (hélas anecdotique) dernier film, présenté cette année hors-compétition ? –; ou encore la petite touche romantique, que l’on retrouve toujours chez le cinéaste. Peut-être ce dernier point est-il le grand défaut de ce monument du cinéma : une histoire d’amour niaise, voire (pardonnez-moi l’expression) “cucul la praline”, qui, à la différence générale du film, a très mal vieilli. 

Et finalement, que penser de cette restauration 4K, qui vise à recréer le film original de 1925, avant qu’un nouveau montage sonore en 1942 ne vienne faire disparaître cette première version ? À mon humble avis de spectateur et non de professionnel dans le domaine de la restauration, cette dernière est un immense échec : la numérisation déforme complètement le grain de la pellicule, et lisse beaucoup trop l’image, appauvrissant l’authenticité de la copie, et faisant davantage ressortir les défauts de l’époque. Le comble qu’une restauration fasse autant vieillir un film. Quoi qu’il en soit, elle permettra malgré tout de nous faire (re)découvrir ce chef-d'œuvre en salle, à travers le monde, dès le 26 juin prochain. N’hésitez pas à aller voir ce monument, reflet d’une époque (et miroir de la nôtre ?), qui continue encore aujourd’hui à nous faire rire et à nous émouvoir.


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