Yi Yi – Photographies du temps
- Axel Bougouin
- 16 mai
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 mai
Critique Yi Yi, Edward Yang (2000) – Photographies du temps

En ouverture de Cannes Classics, c'était cette année le cinéaste Edward Yang qui était mis à l'honneur avec son ultime film : Yi Yi. Trésor du cinéma taïwanais, Yi Yi brille avant tout pour la foisonnante galerie de personnages qu'il dépeint avec une finesse remarquable. Son récit navigue entre un père bouleversé suite aux retrouvailles avec son amour de jeunesse, un oncle tout juste marié et attendant son premier enfant, une fille timide découvrant peu à peu le goût amer de la vie adulte, ou encore Yang-Yang, jeune garçon à l'esprit rempli de questionnements existentiels.
« Quand je vois mon petit cousin nouveau-né qui n’a même pas encore de nom, il me rappelle que tu disais toujours que tu te sentais vieille. J’ai envie de lui dire que moi aussi, je me sens vieux. »
La chronique d'Edward Yang explore la dimension cyclique de la vie, le temps qui passe et le transmission intergénérationnelle.
Le mariage, ouvrant le film, trouvera son écho avec l'enterrement, le clôturant. Naissance et mort, innocence et passage cruel à l'âge de raison, découverte du sentiment amoureux et passion arrivée à terme. Chaque thème du film est abordé par son commencement puis sa finalité. La séquence, en montage alterné, du père tentant de ressusciter la flamme de son amour passé, mise en parallèle avec sa fille vivant sa première histoire romantique, en est un exemple manifeste. Lorsque l'un prend conscience impuissant de sa jeunesse passée, l'autre vit, insouciante, son premier émoi, qui sera amené à disparaître à son tour.
Pour ce film à l'ambiance douce amère, le réalisateur de A Brighter Summer Day adopte une mise en scène sobre et épurée constituée majoritairement de plans fixes parfaitement composés, plaçant scrupuleusement ses personnages dans le cadre de sorte à ce que l'image seule puisse témoigner de leur état d'esprit ainsi que des dynamiques entre ceux-ci. Son talent visuel sera très justement reconnu par le prix de la mise en scène qui lui sera remis lors du festival de Cannes de 2000.
Malgré ses thèmes mûrs et mélancoliques, Yi Yi ne délaisse pas pour autant le rire et la tendresse amusée. De fait, le film rayonne grâce à son rythme comique redoutable et ses parenthèses légères offrant régulièrement au spectateur la possibilité de respirer. Le débat entre Ting-Ting et le personnage de Bouboule sur la comédie et le drame au cinéma trouve ainsi sa résolution avec cet habile mélange de tons.
Comme Yang-Yang photographie la nuque de ses proches qu'ils ne peuvent voir d'eux-mêmes, Yi Yi capture les moments anodins de la vie, pour rendre compte de leur préciosité, souvent invisible sur l’instant, mais que le temps révèle avec douceur.
Une œuvre somme, à voir et à revoir.
par Axel Bougouin
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